C’est arrivé un matin, sans prévenir. Sur le coup, ils n’ont rien senti. Ce drôle de sentiment que quelque chose avait viré pendant la nuit, ils l’ont d’abord perçu dans les regards. Celui du fils, du voisin, du facteur pour s’étendre à celui du monde. C’était là, immense, évident, inéluctable : ils étaient devenus vieux.
Une conspiration de plus en plus tangible.
La nuit s’était mise elle aussi, à ne plus leur offrir le même repos, à cause des chuchotements dans la tête à moins que ce fût au dessus du lit. Eux aussi, ils avaient dû l’apprendre la vieillesse ! Un regard, une allure, un vêtement, une douleur indistincte dans le corps, un seul de ces détails suffisait à leur verdict.
Et si nous passions les frontières de la peur, nous que la vieillesse bouleverse, dérange ou effraie parfois.
Et si nous prenions la peine de participer à cette palette de vie remplie de tant de routes, d’erreurs, de volonté, de secrets, de passions, dans leurs interstices d’ombre et de lumière.
Plus que jamais, que dans ce dense éphémère, leur danse de la vie nous réconcilie avec ces hommes et ces femmes comme avec nous même.
Isabelle Lebon / Photographe